jeudi 31 mars 2011

je suis un chat panda, un topinambour, une figue de Barbarie, un lapin tigre

Erin est une asperge, je suis un topinambour.

Erin hier :
"Je ne laisserai rien ni personne nuire à ce que nous vivons et à notre précieux amour, à notre précieux bonheur. Et si quoi ou qui que ce soit essayait, je lui péterais la gueule."

Erin terminait un texto par ces mots : "Je t'eucalyptuse très fort." (je suis un panda chat)

Erin est une mirabelle, je suis une figue de Barbarie.

Mais je n'oublie pas que je suis aussi un lapin tigre.

vendredi 25 mars 2011

c'est se noyer qui permet de vivre

Parfois il faut juste sombrer, se noyer, se permettre de laisser tomber des certitudes. S'abandonner, être dans la vie, avec ceux qu'on aime. Vivre comme on s'endort, en se laissant aller, en faisant confiance à la main qui se tend, au courant qui nous porte, à l'air qui est là.
Je travaille dans le jardin ce matin, ou plutôt dans le jardin décharge parce qu'il faut bien dire que ça ne ressemble pas à un jardin. Ok il y a du vert, des plantes, des fleurs qui commencent à sortir de terre, mais il y aussi toute une végétation moins végétale : des pneus de moto (merci Erin), des manches de fusils, de vieux meubles, un fauteuil, le reste d'un feu de camp de l'automne dernier. Je l'aime bien comme ça ce jardin : pas très jardin. Jardin avec de la personnalité.
Je ne voudrais jamais rien perdre, jamais perdre personne. J'en ai assez des tremblements de terre qui nous séparent. Je veux, peu à peu, constituer ma famille, d'amis, de personnes que j'aime. Cela tient sans doute au fait que j'ai depuis toujours en moi la sensation de la catastrophe. De quelque chose qui ne va pas aller. Qui va finir. Ce n'est pas grave, on s'y fait, on apprend même à rire, de toute façon on a pas le choix : la triste mine est le privilège de ceux qui sont rarement malheureux. Cette sensation de la catastrophe c'est un peu le contraire de la confiance dans le futur. Mais pas tout à fait. Cela veut dire : je suis confiant la catastrophe va venir mais nous survivrons, c'est en cela que nous avons confiance. Et alors malgré ces pensées de catastrophes, on est calme. Peut-être un jour cette sensation de catastrophe se calmera, et ça sera un autre calme alors, plus plein, plus doux. J'y travaille, mais il me faudra une rasade de temps. Une catastrophe c'est un truc qui vous tombe dessus et qui essaye de vous tuer. Mais vous, vous souriez par esprit de contradiction, parce que vous savez que si c'est une catastrophe alors cela ne vous concerne pas, ce n'est pas vous, cela n'a rien à voir avec votre coeur. Simplement il faut se retrousser les manches pour aider les blessés dans les décombres. Ne pas les prendre au sérieux, mais savoir qu'elles ont des effets réels. Alors, être là. Et parfois partir, se reposer, prendre des forces. Abandonner les catastrophes ce n'est pas simple je m'en suis rendu compte, c'est familier, c'est ce qu'on connaît, un pays d'enfance. Alors il faut leur dire ciao bye-bye. Tu passes, tu t'avalanches sur moi, mais c'est tout, toutes tes miettes tu peux les reprendre.
Le bonheur c'est difficile. On a toutes les raisons de ne pas y croire. Autour de nous c'est le chaos. Ou alors un truc froid, mort, sans âme. On se dit : merde comment nous on va s'en sortir? On va s'en sortir parce que nous savons que le bonheur n'est pas donné, qu'on l'arrache, qu'on le vole comme on a volé le feu. C'est quelque chose à défendre, tendrement, avec force. Notre vie est pleine de pièges. Et certains pièges sont en nous. Alors soyons armés pour la bataille contre nous, pour nous, pour ce bonheur que l'on invente dans le secret.
J'ai mal au dos, j'ai rêvé d'une guerre, j'ai eu la sensation d'une fin, de catastrophes en tout genre, mais sans angoisse particulière. Je me suis noyé enfin, à cette table de jardin dans ce jardin qui n'est pas un jardin, je me suis mis la tête sous l'eau et j'ai sombré pour mieux me retrouver, pour éliminer le monde blessant en moi. Et il y avait de la joie. Belle journée.
Hier avec Erin nous avons dansé au milieu du carrefour du village et nous avons bu des grands bols de café au bord de la rivière.

lundi 21 mars 2011

carnet de listes

Deux amoureux mystérieux ont ouvert un blog sous le pseudonyme de fair enough.
C'est ici.

jeudi 17 mars 2011

nous sommes vivants et cent fois par jour le monde est possible

Longtemps j'ai cru que je ne réussirais pas à vivre. Que je n'aurais pas de travail, pas d'amis, pas d'amour. Que je serais comme un fantôme, un mannequin de poussière, sans but. La mort serait peut-être la meilleure solution, la plus douce. Longtemps je me suis battu contre ces pensées. Je les repoussais comme on passe son temps à écoper l'eau qui pénètre dans une maison pendant une inondation. Puis un jour on s'en fout de la maison, on décide de se sauver de soi-même. Il y a un acte de foi à faire pour vivre quand on a l'impression que rien n'est donné et que l'impossible ferme toutes les portes. Une sorte de folie à se dire : Je vais m'en sortir, mes pas vont prendre appui sur ce vide qui m'entoure et je vais marcher, et ce sont mes pas qui vont construire le sol qui manque. Il ne faut pas croire aux larmes, mais se moquer d'elles, se moquer de nos impressions de fatalité. Oui c'est une sorte de folie que de ne pas croire ce que notre corps nous dit et ce que notre esprit nous assène. Mais c'est une folie qui sauve, et qui nous permettra de vivre. C'est presque un rite initiatique, un baptême du feu. Ne pas se croire, ne pas croire notre voix intérieure, ce petit saboteur qui nous dit que c'est foutu, que nous ne changerons pas, que nous sommes maudits. Fuck it. Nous sommes de la matière. Lâchons prise sur ces choses tristes. Laissons les quitter notre corps et notre esprit. Nous sommes vivants et cent fois par jour le monde est possible.
Erin m'a invité à dîner au restaurant en haut de la tour Montparnasse. Nous sommes arrivés vers 22h après une heure à se promener dans le quartier derrière la gare, immeubles de verre, cercles de bâtiments crème, désert humain. Le dîner était parfait. Paris devant nous, tout en lumière. Je lui ai offert un pendentif avec trois chauve-souris. Nous nous sommes tenus la main et embrassés. Nous avons parlé, hésité, nous nous sommes regardés. Ce fut une belle soirée.

vendredi 11 mars 2011

cut the bullshit, man

J'ai un ami qui s'appelle Marc La Tortue. Drôle de type. Brillant, sensible, il porte des lunettes d'aviateur en permanence, parce que sa cornée est trop sensible, elle doit être protégée de l'air et de la poussière. Il n'écoute que du Bach et ne mange pas de viande, il a une main beaucoup plus petite que l'autre et il fait passer des tests à ses amis et aux gens qu'il rencontre pour être sûr de leur fiabilité, de leur beauté intérieure (le terme est de lui), et de temps en temps il élimine des gens de son entourage si ceux-ci se sont mal conduits. Je lui ai parlé de cette amie hospitalisée, de ce qu'elle m'avait dit. Sa réaction n'a pas été très mesurée. Il m'a dit de couper tout contact avec elle, parce que les gens malades sont des alligators. Ils sont dangereux.
Je lui ai répondu que je ne me voyais pas abandonner quelqu'un parce qu'il ou elle est malade. Il m'a dit de faire très attention. Les malades sont destructeurs.
Je le sais, j'ai connu des malades, mon père l'était, et effectivement je ne me suis pas protégé pendant longtemps, et j'en ai payé le prix.
Mais je ne referai pas les mêmes erreurs. J'ai grandi, j'ai changé.
Justement me dit Marc : Ce sont les bons nageurs qui se noient. Parce qu'ils sont sûr d'eux, parce qu'ils ont confiance, alors ils commettent des imprudences, et ils se noient. Il vaut mieux rester au bord de l'eau. Et défendre son bonheur.
Face à mes tentatives de modération, de nuances, Marc me répète : les gens malades sont destructeurs. Ils vont tout faire pour détruire ton bonheur, alors il faut les abandonner. La vie est atroce c'est comme ça. La maladie c'est trop facile, ça permet tout, ça justifie tout. Tu es très noble, c'est très bien. Mais fuis. Protège-toi. Il faut te sauver dans tous les sens du terme. Et pose-toi la question : qui cherches-tu à sauver quand tu sauves ?
Je lui ai dit que j'arrivais à me mettre à distance. Oui, mais me dit Marc, tu vas devenir quelqu'un de froid. Ton esprit va changer. Tu ne seras plus dans le monde, dans le lien, avec personne. Tu ne te rends même pas compte que certaines choses sont violentes. Quand elle te dit qu'elle va se suicider si tu ne l'aimes pas, tu fais comme si ce n'était pas grave, alors que c'est effroyable, c'est monstrueux. Que tu ne le vois pas, c'est inquiétant, ça veut dire que tu t'es habitué à ça, mais on ne s'y habitue pas sans conséquences. Tu dois voir que c'est anormal et retrouver des réactions saines. Tu n'as pas à comprendre au point de t'oublier, et de prendre des coups. Tu es blessé et tu ne le vois pas. Tu ne lui rends pas service et tu mets en danger ton bonheur.
Je dis à Marc, la prochaine fois je lui raccrocherai au nez si elle refait ça. Je réfléchis aux raisons qui font que j'ai fini par dédramatiser des mots graves, par ne plus faire attention à moi, par disparaître. Marc a raison sur un point : je ne dois pas prendre pour normal le chantage affectif, les menaces de suicide, je ne dois pas être trop compréhensif. J'ai cette tendance à m'oublier. Il faut que j'arrête. Il faut que je raccroche si cela se reproduit. Mais couper les ponts, l'abandonner, non, ce n'est pas possible. Par contre, je défendrai mon bonheur et mon amour, je ne laisserai personne tenter de leur nuire.
Je ne m'attendais pas à de tels mots. Je ne suis pas tout le temps d'accord avec ce qu'il dit. Je le trouve dur, mais Marc La Tortue n'a pas eu une vie douce, alors ce qu'il dit a du poids. Je suis content d'avoir un ami capable de dire des choses si opposées à ce que je crois être juste. Ensuite à moi de me débrouiller.

jeudi 10 mars 2011

la transformation des soirées en poèmes

Il y a des soirées qui sont des poèmes. Pas directement, non, c'est juste qu'on les transforme en poème parce que sinon c'est triste et cafardeux, alors la transformation leur fait du bien, ça leur donne des couleurs et une épaisseur chaleureuse. C'est la solution des amicaux habitants des maisons obscures (ahmo), transformer ce morceau de pain qui est notre unique repas en poème, transformer la tristesse en sonnet, et ce coeur qui saigne en haïku. Mais la transformation ça va bien, un temps, on ne peut pas être un magicien tout le temps, parce qu'on risque d'être kidnappé par le royaume des ténèbres, il faut être prudent avec la magie, alors il y a la joie, la simple joie d'être en vie, et d'être entouré par d'autres êtres maladroits et faillibles comme nous. La joie c'est le corps, et la fin des petites certitudes encombrantes, c'est à dire un animisme : nous sommes dans la vie davantage que nous sommes en vie.

finalement par un texto il annula et il resta à sa table de travail à écouter la même chanson pendant des heures, et c'était pas mal

Le bureau est la chose solide, tout tourne, on ne sait rien à part ce qu'on sait du bois, alors les tempêtes je les attends. Ce soir, la nuit est froide comme l'océan et n'entend rien au printemps, je ne vois rien à travers la fenêtre, c'est une obscurité poisseuse. Je sais quand je sortirai pour rejoindre mon chez-moi qu'il y aura un affrontement.
C'est la semaine des décisions. J'ai dit à des potes que je ne participerai plus à leurs dîners. Parce que je ne me sentais pas à ma place. Parce que je ne les aime pas tous autant. Parce que l'un d'entre eux est un ami de longue date, et les autres je ne les connais pas bien. Et en groupe je ne suis pas à l'aise. Les conversations de salon m'ennuient. Je suis un mauvais élève. L'un d'eux m'a dit qu'il était triste. Alors je suis triste aussi. Mais c'est comme ça. Vivre c'est aussi prendre des décisions et être honnête, ne pas se retrouver dans des situations qui ne nous ressemblent pas. Je prends des décisions en ce moment, je fais des choix, et ça me fait du bien, pas forcément là, c'est même dur, mais plus tard. Je veux que les choses soient claires et belles, et pour ça il faut être intraitable, parfois.
On voudrait être juste, tout le temps, et parfois cela ne suffit pas, d'être juste, d'être là et bien, il y a des gens que la certitude de notre présence ne suffit pas à protéger, et nos mots, et nos bras ne sont pas les médicaments que l'on croyait. Alors pourquoi ai-je été un enfant responsable toute ma vie, sans écarts, sans folie autre que dans mon crâne. Je rêve d'un sauvetage intégral, d'un paradis doux, de la fin de la douleur. Il faut quelque chose qui guérit, soigne et apaise. Parce que sinon tout ça est trop injuste.
Une amie m'a appelé, elle est internée dans une clinique psy depuis cinq semaine. Elle m'a parlé, elle a dit qu'elle aimait, que j'étais l'homme de sa vie, et je n'ai pu que répondre la vérité : j'aime quelqu'un d'autre. Alors elle a pleuré, elle dit non ce n'est pas juste, et alors que sa vie n'avait pas de sens, et qu'elle allait se tuer. Elle pleurait, et moi j'étais là avec ce stupide téléphone et mes propres larmes, et je la rassurais, mais ça ne marchait pas très bien. Il faut être optimiste, car il n'y a que ça. Quand je la verrai (quand les visites seront autorisées), je la ferai rire et je lui dirai qu'elle va vivre, que les choses s'arrangent, qu'elle est forte. Il faut avoir confiance en ceux qui ne vont pas bien. Faire ce pari. Leur faire ce don. Ne pas les infantiliser. C'est la seule solution.
Ce soir je me demande : quels monstres sommes-nous pour avoir échappé à la maladie mentale ? Pour avoir survécu si longtemps ?

dimanche 6 mars 2011

romantisme et tir au fusil (les docteurs n'existent pas)

Je discutais avec Erin, je lui disais que les manques que j'avais en moi me donnaient l'énergie pour écrire, que j'écrivais pour les combler (ok c'est un speech un peu cliché, mais j'étais fatigué). Et je me demandais si un jour j'allais parfaitement bien, est-ce que je pourrais encore écrire. Erin m'a dit, et son sourire n'a jamais été aussi beau : "Ne t'inquiète pas, je ferai en sorte que tu n'ailles jamais tout à fait bien".
Dans la vie je ne vois que des pièges, des failles qui peuvent se transformer en crevasses, des catastrophes en embuscades, des liens fragiles, des tremblements de terre sentimentaux. Une terre meuble et un ciel défait. Erin a en elle quelque chose qui me fait croire, pour la première fois peut-être, que tout n'est pas si noir et voué au délabrement.
On n'a pas besoin d'aller mal pour créer. Mais on créé parce qu'on a une certaine sensibilité qui nous rend plus poreux, plus susceptible d'être blessés, notre corps hyperesthésique tremble des échos du monde. On a besoin d'aller bien pour créer, pour porter tout ça, il faut une joie infinie en soi, une capacité à ne pas croire à la fatalité, une foi en nos enthousiasmes. Le malheur n'aide pas la création, mais l'entrave. Les difficultés sont là, données, par notre simple existence, elles sont communes à tous, les manques, les douleurs. Ce qui nous différencie, c'est ce que nous en faisons, comment nous y réagissons. Alors oui il y a des manques, mais je n'en ai pas besoin, je ne vais pas m'en débarrasser car ils nous sont consubstantiels, c'est là, juste là, nous sommes malades, plus ou moins, les docteurs n'existent pas. Ce dont j'ai besoin c'est de mon fight spirit, de ma capacité à me saisir de ce qui arrive, et à être enthousiaste. Il y a une idéalisation de la souffrance chez les artistes qui est le signe d'une paresse, et d'une agressivité mauvaise, c'est un prétexte qui cache des motivations de rapport de force et de pouvoir, c'est une manière de porter des coups. Je crois à la douceur, au relâchement des corps statufiés, à la légèreté.
Avec Erin nous sommes allés tirer avec une vieille carabine Holland & Holland dans un petit parc. C'était très romantique.

éloge de la légèreté

Je suis trop fatigué pour écrire un éloge de la légèreté, des petits mots, des fous rires, des bêtises que l'on se raconte, des jolies et bizarres choses qu'on imagine. Mais le coeur y est. Soyons légers. Certaines choses sont graves, c'est vrai, mais c'est déjà les entamer, les vriller, commencer à les détruire que d'en rire, de ne pas les prendre trop au sérieux. :-)

cunilingus chapitre 4

Immense fatigue, pas tant physique que psychologique. A quoi bon tout ça ? Des messages inquiétants me viennent d'amis un peu partout. C'est soi s'enflammer soit construire des barricades, mais ne pas continuer à supporter ça. Quel est le problème de notre espèce ? Cette incapacité à l'harmonie. Alors il faut trouver des compagnons, de vie, de lutte, des êtres sur qui compter, et ils sont peu dans la masse indifférente des mous au cœur dur. Il y a de belles choses, de belles personnes. Je veux des mains qui en tiennent d'autres et qui toujours seront là, je veux des serments et des ballades sous la lune, je veux une foi, une route, des principes, la fin des petites arrangements avec soi-même, des négociations intimes. Je veux de vieux fusils planqués dans des caves et des réserves de bouffe dans des placards, je veux des passages secrets et des sourires qui résistent à tout. Je suis encore loin de tout ça, c'est une éthique à construire, pas à pas, pour un jour se dire qu'enfin on est un homme, qu'on tient debout, qu'on est ce qu'on a choisi d'être, sans concessions, et voir l'enfant en soi rire doucement, se moquer de nous, et dire que cet homme que nous avons trouvé, c'est l'enfant que nous étions.
Malgré tout, malgré cette sale période, la joie est toujours là, qui succède à des larmes, qui parfois les accompagne.
Allez bonne nuit, les amis. Erin est rentrée.