vendredi 20 avril 2012

déménagement

Le blog est transféré au sein de mon tout nouveau site, ici.
Soyez les bienvenus.

mardi 20 mars 2012

Nous portons des coups en devenant intouchables


Un ami va mal. Tout de suite intervenir. Je lui ai envoyé un petit colis, de quoi lui remonter le moral. Cela ne plaira pas à tout le monde, mais ces trucs, c'est lui, c'est ce qu'il aime, ce sont ses bonbons primaires. La vie nous donne la possibilité d'un combat sans fin, on relève le défi, mais on a besoin de munitions, de futilités, de provisions. Le repos parfois, c'est la meilleur façon de se battre. Nous portons des coups en devant intouchables.

samedi 18 février 2012

Saint Valentin


Pour la Saint Valentin, on s'est offert un festin fromager, et je lui ai offert des boucles d'oreille, un bracelet, et ce t-shirt. L'élégance, c'est ça.

samedi 11 février 2012

le bonheur est un apaisement

Mon téléphone a sonné, je ne connaissais pas le numéro, j'ai décroché, soupçonnant un appel de ma banque ou un client qui avait besoin que je l'aide à abattre des arbres ou faire disparaître une voiture. Rien de tout ça. C'était une éditrice au sein d'une grande maison d'édition parisienne. Le comité de lecture a rendu un avis enthousiaste. Elle m'a lu la fiche de lecture et même si je me flatte de ne pas être sensible à la flatterie, j'ai été flatté. Un instant. C'était très louangeur. Alors il y a des éléments qu'ils aiment moins. Mais rien de grave. Nous avons pris rendez-vous pour le 2 mars. Le bonheur est un apaisement. Mon premier roman publié. Bon dieu, ça fait du bien.
Alors même que ce livre n'est pas encore sorti (il devrait paraître en septembre), je prends déjà des notes pour le suivant.
Pas encore de titre (je rame sur cet aspect). Je vous tiens au courant.

jeudi 8 décembre 2011

philosophie

"Let me tell you something you already know. The world ain't all sunshine and rainbows. It's a very mean and nasty place and I don't care how tough you are it will beat you to your knees and keep you there permanently if you let it. You, me, or nobody is gonna hit as hard as life. But it ain't about how hard you hit. It's about how hard you can get it and keep moving forward. How much you can take and keep moving forward. That's how winning is done! Now if you know what you're worth then go out and get what you're worth. But you gotta be willing to take the hits, and not pointing fingers saying you ain't where you wanna be because of him, or her, or anybody! Cowards do that and that ain't you! You're better than that! I'm always gonna love you no matter what. No matter what happens. You're my daughter and you're my blood. You're the best thing in my life. But until you start believing in yourself, you ain't gonna have a life."
Jane Austen, Pride and Prejudice (Mr Bennet parle à Elizabeth, ou à Jane je ne sais plus)

il y a deux façons de faire

J'ai cessé de boire de l'alcool de manière intensive il y a déjà pas mal de temps. Je devenais un trop bon champion. Mon père est mort à cause de l'alcool et j'ai pas mal d'amis amochés.
J'ai le souvenir de cette jeune femme qui lors d'un repas, après que j'ai dit que je ne buvais pas, m'a fait remarquer : "Ce n'est pas très viril".
Le viril, le pas viril, et que des femmes participent à ça, car pour être un mec il faut boire, et bien, il faut être arrogant ça serait encore mieux. Quelle connasse, quelle société d'idiots. J'ai de temps en temps droit à des remarques, des moqueries parce que je ne bois pas. Une manière d'humilier, de pointer du doigt celui qui est différent, c'est aussi une forme de contrôle social. La moquerie a ce rôle, la moquerie n'est pas là pour rire, elle est là pour signifier qu'on est en infraction et qu'on a intérêt à rentrer dans les rangs, et à faire comme les autres. Qu'ils aillent se faire foutre. Et on va réagir. Il y a deux façons de faire :
- la zazen : tant pis pour eux, ils ne savent pas ce qu'ils disent, sourions, amor fati etc
- la Pit : toute violence qui se cache derrière un sourire mérite une violence en retour. Il y a une loi de conservation de la violence, alors plutôt que ça me donne mal au ventre je vais t'en mettre plein la figure. On se laisse trop faire. Notre violence visible est une réponse à votre violence bien élevée.
Pour en revenir à cette jeune femme. Je lui ai dit : "Je trouve que ce que vous venez de dire est profondément stupide". Et j'ai été le mec pas du tout cool de la soirée. Mais, hé, on fait le tri comme ça. Alors au bout d'un moment il y aura du vide autour de vous, et vos amis se compteront sur les doigts de deux petites mains, vous aurez peu de copains et encore moins de connaissances. Mais c'est un gain, les mecs. On ne sera jamais les plus populaires de l'école, mais bordel, il faut s'en réjouir.

samedi 16 juillet 2011

arrêter de caresser les scorpions, commencer à s'en amuser

Je crois que c'est Meg Ryan qui disait : "Le système nous veut triste, il nous faut être joyeux pour lui résister."
Parfois, j'ai tendance à la tristesse, mais toujours avec ce sentiment qu'être triste c'est obéir. C'est réagir trop directement aux impulsions d'un monde hostile.
La vie c'est la guerre et le monde est une tentative de meurtre. Voilà les données. A partir de là se construire une vie. Longtemps la présence des êtres maléfiques m'a gâché des heures. Hommes et femmes de pouvoir, manipulateurs, avides. Mais j'étais idiot dans mon malheur : je leur reprochais leur propre nature. J'avais tort de me sentir blessé et trahis par eux. Comme un enfant qui voudrait caresser un scorpion et se ferait piquer. C'est la nature du scorpion que de piquer. Il n'y a pas de reproches à lui faire. Il est aberrant de demander à ce que le scorpion change pour perdre son poison. Il est comme ça. C'est la même chose en société : les scorpions sont nombreux, et ils règnent. Tant pis pour eux. Laissons-les régner. Si nous les côtoyons, n'espérons pas qu'ils changeront de nature. Restons à distance, observons-les, jouons en nous protégeant. Il n'y a pas de rapport humain possible entre hommes des différentes espèces. Nos rapports ne sont que de la comédie, alors soyons complètement comédiens. C'est le sourire qui doit être sur nos lèvres quand nous croisons quelque scorpion humain, occupé à défendre son territoire, agressif et bête. Amusons-nous de lui.

Résultats d'analyses médicales. Tout va bien. Le ciel est plus bleu. La médecine, son but ce n'est pas de nous soigner, non ce n'est pas là qu'est son miracle, mais de nous dire que nous ne sommes pas malades. Elle confirme que tout va bien dans nos organes, alors que parfois nous en doutons. Nous avons à notre disposition des laboratoires et des centres de radiologie pour voir ce rien qui se passe en nous, cette normalité, cette absence de maladie. Il faut le voir précisément, régulièrement. Puis, un jour, on ne tombe pas malade, non, mais on résout cette présence du corps malade du monde dans notre corps. On se guérit, pas de la maladie, mais d'une sensibilité mal placée, comme offerte à l'adversité. Par la ruse, d'abord avec soi-même. L'intelligence de vivre.

Nous avons fêté ça hier avec Erin : fromages, surtout, sucreries aussi.
Déjeuner avec une vieille amie aujourd'hui. Adepte de la manière forte, experte en combats de rue. Elle a toujours cette cicatrice en forme d'aigle sur le poignet, vestige du jour où elle a défoncé la mâchoire d'un homme qui lui manquait de respect. Elle porte un couteau a sa ceinture. Mais elle n'a jamais eu besoin de s'en servir.

L'été ça ne veut rien dire, non ? Les infos, le reste... on s'en fout. C'est de la bête distraction. De la fumée que l'on désigne comme ayant du sens. Ben Laden et DSK on s'en fout. Ils ne masquent qu'une chose, la guerre des riches contres les pauvres.
Je veux m'asseoir dans le jardin. Discuter avec des amis, lire, être là, avec Erin. C'est ça la politique.




lundi 6 juin 2011

on le mérite

Nos réactions névrotiques, ce sont juste nos manières de convoquer notre passé, nos terreurs d'enfance, de les faire jouer dans le présent. La scène n'est pas adaptée. Alors il faut écrire un autre texte. Tant mieux. Mais cela prend un peu de temps. Savoir que l'on a tort, et que ce tort s'explique, a des raisons. Et dire, ok, on abandonne tout ça. Soyons légers enfin. On le mérite.

Comment ils se parlent

Jours de randonnée avec Erin (elle appelle ça des promenades, mais pour moi marcher dans la nature pendant une bonne demi-heure -il y avait des côtes, des cerisiers, du soleil, de la pluie, des hautes herbes, et des vaches au loin- c'est de la randonnée, c'est clair). Le corps se manifeste autrement que dans ses phases de digestion. Des muscles refont leur apparition.
Je lis le livre de cette femme (Siri quelque chose), ça s'appelle La femme qui tremble, et elle parle du libre arbitre comme la capacité de dire un grand Non aux choses qui tentent de nous agir, à nos impulsions. C'est un bon livre, un essai, enquête, elle essaye de comprendre pourquoi elle tremble dès qu'elle parle en public depuis la mort de son père. Elle parle du corps et de ses liens avec notre psyché, comment ils se parlent ces deux-là.

lundi 30 mai 2011

lundi

Ce matin j'avais tellement faim que j'avais envie de manger.

Au travail. Retour à une vitesse de croisière acceptable. Je déploie mes ailes et je fends les nuages.

J'ai croisé une ribambelle de bébés enfants, des maternelles, minuscules mais qui marchaient déjà et parlaient, se tenaient par la main.

Le soleil ne veut rien dire. Je me demande si c'est pour ça que les gens l'aiment.

jeudi 12 mai 2011

l'histoire d'amour avec notre malheur

Le chose la mieux partagée est monde est la double personnalité. Nous sommes deux. Façon de parler ? Pas tant que ça. Ok pour le dialogue intérieur, c'est une façon de voir les choses. Nous naissons seul et peu à peu, c'est à espérer, nous inventons notre jumeau. Il y a un être en nous, qui nous est donné, façonné par nos parents, par leur histoire, leurs névroses. C'est une victime. Heureuse peut-être. Un être comme tenu en laisse par son origine. Si nous avons de la chance, c'est à dire si nous connaissons un de ces accidents bienheureux qui arrivent dans notre cerveau, alors on peut se mettre à faire naître cet être, jumeau de notre moi, un jumeau qui serait enfant du premier. C'est bizarre, je sais mais ça se passe comme ça.
On aime notre malheur. On y tient. Parce que c'est notre famille. C'est notre passé. Par fidélité. Parce que ça a été notre nourriture, notre air. On y respire. Alors que le bonheur, ce bel air, on a pas les poumons pour ça : on a des branchies merde comment ça se fait ? Comment on fait bordel pour respirer ce truc doré qui a l'air si sensationnel ? Il va falloir qu'on fasse des changements profonds en nous. Biologiques. Physiques. On va se transformer en un autre animal. On va trahir, d'une certaine façon. Mais c'est une trahison joyeuse. Il faut être déloyal à ce qui veut nous nuire. On se délivrera vingt ans plus tard. Mais la délivrance à un effet rétroactif. Alors faisons ça pour celui que nous étions. Arrachons-le au malheur. Dans ce malheur où on a l'impression d'être proche de lui, de le tenir dans nos bras. La communion dans la douleur. Saleté de langage. Saleté de contentement, de plaisir et de larmes qui nous font voyager dans le temps, avec l'illusion que nous tenons chaud à celui que nous étions, que nous lui tenons compagnie. Moi je dis : connerie. Piège. Facilité. Ce n'est pas de la fidélité. Tout le contraire. C'est la trahison totale. Si tu veux être fidèle, alors sois heureux pour celui que tu étais. C'est comme ça qu'il sourira, c'est comme ça que tu le sauveras.
Ce bonheur nouveau nous fait suffoquer. Mais est-ce qu'on a vraiment besoin de respirer ? On peut retenir sa respiration le temps de trouver un havre. On peut imaginer autre chose. S'évanouir, lâcher prise, croire qu'on va mourir un peu, et se relever d'entre les morts. Ne pas paniquer parce l'air n'entre pas dans nos poumons. Crise d'asthme. Classique. Dans ces cas là, on garde son calme. Et ça passe. Les poumons se remettent en marche. Doucement. Ils apprennent ce nouvel air. Ils ne le rejettent pas. Ils s'y font. Il blesse encore. Mais bon dieu c'est si bon. Alors on continue à s'entraîner. Et un jour on respire vraiment. Nos poumons se sont adaptés. Nous n'avons plus besoin de notre malheur pour exister, pour nous identifier, pour être quelqu'un. Nous sommes heureux, ce n'est pas toujours simple. Oh non. Mais c'est quand même autre chose que notre vie d'avant. La vraie vie commence. Ce n'est pas trop tôt.

heureusement tu n'es pas là

Heureusement tu n'es pas là. Ainsi je peux te contempler dans ton entièreté, tu es mon paysage ce soir. Loin, mais là, une absence qui est une démultiplication de la présence. Son double. Tu me manques et c'est très bien comme ça, car cela se résoudra demain soir, le vide est limité. L'absence est une loupe et un télescope, le verre correcteur de la myopie que donne le quotidien. Je retrouve mon regard sur toi, mon cœur bat avec plus de poids et de confiance. L'absence est belle ce soir.

le jour se lève et le monde est à nous

Souvent j'écoute la même chanson. En ce moment Let's not shit ourselves, de l'ami Conor Oberst (The Bright Eyes). Toute la journée. Je tombe amoureux. C'est ma façon de vivre. Et alors j'ai envie d'embrasser cette chanson, d'être embrasser par elle, de façon déraisonnable. Je veux ce contact physique avec elle, qu'à force de l'écouter, elle déteigne dans mon sang, elle s'incorpore à mon cerveau et se mêle à ma moelle osseuse. Je ne connais pas d'autre façon d'aimer, pas de demi-mesure, pas de dose homéopathique. C'est un corps contre corps. Un changement de composition de l'atmosphère. Une opération de chimie complexe. Un changement d'époque, de dynastie, de civilisation. Rien ne sera plus pareil. Les temps anciens se terminent. Le jour se lève et le monde est à nous.

mardi 3 mai 2011

la plage, le jardin, le vélo

Belles journées et je ne parle pas des nuits, des endormissements, des réveils, des repas, et l'atmosphère qui prenait soin de nous. Le retour n'est pas simple, pas tendre. Mais ce furent deux semaines qui vont irradier un bon moment :-). Et puis, nous allons ruser pour inventer nos plages et nos jardins ici même. Nous avons de la ressource.

un sourire qui écrase le monde

On s'apaise parfois. Cela arrive. De plus en plus souvent. On ne voit pas toujours des catastrophes au bord de la prochaine seconde. On se dit que le monde ne finira pas encore une fois à la fin de la phrase; que tout se brisera, que rien ne restera, que ça finira dans un hôpital ou pire, qu'il n'y aura jamais de chaleur après avoir par hasard approché un feu. Nous sommes les enfants de notre histoire. Remplis de ces méduses que sont nos souvenirs. Mais il faut rêver nos souvenirs. Les imaginer plus beaux qu'ils ne le sont. Le passé s'est une matière à travailler. Ce n'est pas trahir, ce n'est pas mentir, c'est dire : la réalité s'est trompée en me faisant vivre ça, ça n'aurait pas du se passer comme ça. J'ai besoin de belles choses. Alors le passé j'en fais mon affaire. Je maquille, j'oublie des êtres, des heures, je transforme. Tout est vrai dans mon cerveau, ce que j'invente de ce que la vie m'a donné, de ce que j'ai fait. Les choses qui ne me ressemblent pas ne sont pas arrivées. On met du temps à se ressembler. Le reste ce sont des ratures. On efface, on réécrit, joyeusement. Nous ne sommes pas les enfants de notre passé. Nous en sommes les parents. Nous éduquons notre passé, pour qu'il cesse de nous blesser. Nous le créons pour que la vie présente soit douce et possible.
Avec notre coeur de traumatisé on arrive à rire, alors bien sûr on ne sera jamais normal, on n'arrivera jamais à être parmi les autres comme les autres, on ne sera jamais guérit de la terreur qu'ils nous inspirent, mais on s'en fout : il y a de la place dans les marges, il y a une vie, plus secrète, plus belle, moins bruyante, plus profonde.
Vous voulez mon avis ? On ne s'autorise pas assez à s'éviter les situations peu agréables. On se sent en faute. On se sent anormal. On l'est. Alors autant l'assumer. C'est mieux que de couvrir ça par de l'alcool ou des comportements qui ne nous ressemblent pas. On mime les autres, mais on ne fait que se perdre soi-même. Et bon dieu je me suis perdu bien des fois. Comme un enfant, dans le noir, attiré par la lumière, la mauvaise lumière. J'ai oublié tout ça, je suis là avec moi, en moi, pour moi. Je ne suis jamais seul dans la solitude. Donnez-moi un amour, deux amis, un toit, jardin, et le monde est fait. Je ne suis pas exigeant. On s'en moque de la reconnaissance, de l'argent. Donnez-moi une vie simple et tranquille, stable et fantaisiste. Je dis "donnez-moi", mais non je le sais : je vais prendre tout ça. La conquête a commencé. Ce sont des armées qui gagnent en évitant le combat. Rien n'est plus dur que d'éviter le combat : nous avons été élevé pour ça, être tout le temps sur la scène, faire le beau, être en représentation, impressionner, écraser, dominer, gagner. Alors, on arrête. Nos armées rentrent sous terre, dans les bois, elles se dispersent.
On est dans un jardin, un café à la main, il y a du soleil ou pas, un petit peu de vent, et tout va bien. Ce tout va bien est un instrument, ce n'est pas une phrase, pas une pensée. C'est un outil, façonné par les hommes au fil des siècles. On apprend à s'en servir, à l'utiliser dans le réel. Tout va bien. Et l'on sourit immensément.

lundi 2 mai 2011

le blog d'Erin

Entre les réparations de Harley et la compta du garage, Erin a trouvé le temps de commencer un blog. C'est ici. Cela lui ressemble.

jeudi 31 mars 2011

je suis un chat panda, un topinambour, une figue de Barbarie, un lapin tigre

Erin est une asperge, je suis un topinambour.

Erin hier :
"Je ne laisserai rien ni personne nuire à ce que nous vivons et à notre précieux amour, à notre précieux bonheur. Et si quoi ou qui que ce soit essayait, je lui péterais la gueule."

Erin terminait un texto par ces mots : "Je t'eucalyptuse très fort." (je suis un panda chat)

Erin est une mirabelle, je suis une figue de Barbarie.

Mais je n'oublie pas que je suis aussi un lapin tigre.

vendredi 25 mars 2011

c'est se noyer qui permet de vivre

Parfois il faut juste sombrer, se noyer, se permettre de laisser tomber des certitudes. S'abandonner, être dans la vie, avec ceux qu'on aime. Vivre comme on s'endort, en se laissant aller, en faisant confiance à la main qui se tend, au courant qui nous porte, à l'air qui est là.
Je travaille dans le jardin ce matin, ou plutôt dans le jardin décharge parce qu'il faut bien dire que ça ne ressemble pas à un jardin. Ok il y a du vert, des plantes, des fleurs qui commencent à sortir de terre, mais il y aussi toute une végétation moins végétale : des pneus de moto (merci Erin), des manches de fusils, de vieux meubles, un fauteuil, le reste d'un feu de camp de l'automne dernier. Je l'aime bien comme ça ce jardin : pas très jardin. Jardin avec de la personnalité.
Je ne voudrais jamais rien perdre, jamais perdre personne. J'en ai assez des tremblements de terre qui nous séparent. Je veux, peu à peu, constituer ma famille, d'amis, de personnes que j'aime. Cela tient sans doute au fait que j'ai depuis toujours en moi la sensation de la catastrophe. De quelque chose qui ne va pas aller. Qui va finir. Ce n'est pas grave, on s'y fait, on apprend même à rire, de toute façon on a pas le choix : la triste mine est le privilège de ceux qui sont rarement malheureux. Cette sensation de la catastrophe c'est un peu le contraire de la confiance dans le futur. Mais pas tout à fait. Cela veut dire : je suis confiant la catastrophe va venir mais nous survivrons, c'est en cela que nous avons confiance. Et alors malgré ces pensées de catastrophes, on est calme. Peut-être un jour cette sensation de catastrophe se calmera, et ça sera un autre calme alors, plus plein, plus doux. J'y travaille, mais il me faudra une rasade de temps. Une catastrophe c'est un truc qui vous tombe dessus et qui essaye de vous tuer. Mais vous, vous souriez par esprit de contradiction, parce que vous savez que si c'est une catastrophe alors cela ne vous concerne pas, ce n'est pas vous, cela n'a rien à voir avec votre coeur. Simplement il faut se retrousser les manches pour aider les blessés dans les décombres. Ne pas les prendre au sérieux, mais savoir qu'elles ont des effets réels. Alors, être là. Et parfois partir, se reposer, prendre des forces. Abandonner les catastrophes ce n'est pas simple je m'en suis rendu compte, c'est familier, c'est ce qu'on connaît, un pays d'enfance. Alors il faut leur dire ciao bye-bye. Tu passes, tu t'avalanches sur moi, mais c'est tout, toutes tes miettes tu peux les reprendre.
Le bonheur c'est difficile. On a toutes les raisons de ne pas y croire. Autour de nous c'est le chaos. Ou alors un truc froid, mort, sans âme. On se dit : merde comment nous on va s'en sortir? On va s'en sortir parce que nous savons que le bonheur n'est pas donné, qu'on l'arrache, qu'on le vole comme on a volé le feu. C'est quelque chose à défendre, tendrement, avec force. Notre vie est pleine de pièges. Et certains pièges sont en nous. Alors soyons armés pour la bataille contre nous, pour nous, pour ce bonheur que l'on invente dans le secret.
J'ai mal au dos, j'ai rêvé d'une guerre, j'ai eu la sensation d'une fin, de catastrophes en tout genre, mais sans angoisse particulière. Je me suis noyé enfin, à cette table de jardin dans ce jardin qui n'est pas un jardin, je me suis mis la tête sous l'eau et j'ai sombré pour mieux me retrouver, pour éliminer le monde blessant en moi. Et il y avait de la joie. Belle journée.
Hier avec Erin nous avons dansé au milieu du carrefour du village et nous avons bu des grands bols de café au bord de la rivière.

lundi 21 mars 2011

carnet de listes

Deux amoureux mystérieux ont ouvert un blog sous le pseudonyme de fair enough.
C'est ici.

jeudi 17 mars 2011

nous sommes vivants et cent fois par jour le monde est possible

Longtemps j'ai cru que je ne réussirais pas à vivre. Que je n'aurais pas de travail, pas d'amis, pas d'amour. Que je serais comme un fantôme, un mannequin de poussière, sans but. La mort serait peut-être la meilleure solution, la plus douce. Longtemps je me suis battu contre ces pensées. Je les repoussais comme on passe son temps à écoper l'eau qui pénètre dans une maison pendant une inondation. Puis un jour on s'en fout de la maison, on décide de se sauver de soi-même. Il y a un acte de foi à faire pour vivre quand on a l'impression que rien n'est donné et que l'impossible ferme toutes les portes. Une sorte de folie à se dire : Je vais m'en sortir, mes pas vont prendre appui sur ce vide qui m'entoure et je vais marcher, et ce sont mes pas qui vont construire le sol qui manque. Il ne faut pas croire aux larmes, mais se moquer d'elles, se moquer de nos impressions de fatalité. Oui c'est une sorte de folie que de ne pas croire ce que notre corps nous dit et ce que notre esprit nous assène. Mais c'est une folie qui sauve, et qui nous permettra de vivre. C'est presque un rite initiatique, un baptême du feu. Ne pas se croire, ne pas croire notre voix intérieure, ce petit saboteur qui nous dit que c'est foutu, que nous ne changerons pas, que nous sommes maudits. Fuck it. Nous sommes de la matière. Lâchons prise sur ces choses tristes. Laissons les quitter notre corps et notre esprit. Nous sommes vivants et cent fois par jour le monde est possible.
Erin m'a invité à dîner au restaurant en haut de la tour Montparnasse. Nous sommes arrivés vers 22h après une heure à se promener dans le quartier derrière la gare, immeubles de verre, cercles de bâtiments crème, désert humain. Le dîner était parfait. Paris devant nous, tout en lumière. Je lui ai offert un pendentif avec trois chauve-souris. Nous nous sommes tenus la main et embrassés. Nous avons parlé, hésité, nous nous sommes regardés. Ce fut une belle soirée.

vendredi 11 mars 2011

cut the bullshit, man

J'ai un ami qui s'appelle Marc La Tortue. Drôle de type. Brillant, sensible, il porte des lunettes d'aviateur en permanence, parce que sa cornée est trop sensible, elle doit être protégée de l'air et de la poussière. Il n'écoute que du Bach et ne mange pas de viande, il a une main beaucoup plus petite que l'autre et il fait passer des tests à ses amis et aux gens qu'il rencontre pour être sûr de leur fiabilité, de leur beauté intérieure (le terme est de lui), et de temps en temps il élimine des gens de son entourage si ceux-ci se sont mal conduits. Je lui ai parlé de cette amie hospitalisée, de ce qu'elle m'avait dit. Sa réaction n'a pas été très mesurée. Il m'a dit de couper tout contact avec elle, parce que les gens malades sont des alligators. Ils sont dangereux.
Je lui ai répondu que je ne me voyais pas abandonner quelqu'un parce qu'il ou elle est malade. Il m'a dit de faire très attention. Les malades sont destructeurs.
Je le sais, j'ai connu des malades, mon père l'était, et effectivement je ne me suis pas protégé pendant longtemps, et j'en ai payé le prix.
Mais je ne referai pas les mêmes erreurs. J'ai grandi, j'ai changé.
Justement me dit Marc : Ce sont les bons nageurs qui se noient. Parce qu'ils sont sûr d'eux, parce qu'ils ont confiance, alors ils commettent des imprudences, et ils se noient. Il vaut mieux rester au bord de l'eau. Et défendre son bonheur.
Face à mes tentatives de modération, de nuances, Marc me répète : les gens malades sont destructeurs. Ils vont tout faire pour détruire ton bonheur, alors il faut les abandonner. La vie est atroce c'est comme ça. La maladie c'est trop facile, ça permet tout, ça justifie tout. Tu es très noble, c'est très bien. Mais fuis. Protège-toi. Il faut te sauver dans tous les sens du terme. Et pose-toi la question : qui cherches-tu à sauver quand tu sauves ?
Je lui ai dit que j'arrivais à me mettre à distance. Oui, mais me dit Marc, tu vas devenir quelqu'un de froid. Ton esprit va changer. Tu ne seras plus dans le monde, dans le lien, avec personne. Tu ne te rends même pas compte que certaines choses sont violentes. Quand elle te dit qu'elle va se suicider si tu ne l'aimes pas, tu fais comme si ce n'était pas grave, alors que c'est effroyable, c'est monstrueux. Que tu ne le vois pas, c'est inquiétant, ça veut dire que tu t'es habitué à ça, mais on ne s'y habitue pas sans conséquences. Tu dois voir que c'est anormal et retrouver des réactions saines. Tu n'as pas à comprendre au point de t'oublier, et de prendre des coups. Tu es blessé et tu ne le vois pas. Tu ne lui rends pas service et tu mets en danger ton bonheur.
Je dis à Marc, la prochaine fois je lui raccrocherai au nez si elle refait ça. Je réfléchis aux raisons qui font que j'ai fini par dédramatiser des mots graves, par ne plus faire attention à moi, par disparaître. Marc a raison sur un point : je ne dois pas prendre pour normal le chantage affectif, les menaces de suicide, je ne dois pas être trop compréhensif. J'ai cette tendance à m'oublier. Il faut que j'arrête. Il faut que je raccroche si cela se reproduit. Mais couper les ponts, l'abandonner, non, ce n'est pas possible. Par contre, je défendrai mon bonheur et mon amour, je ne laisserai personne tenter de leur nuire.
Je ne m'attendais pas à de tels mots. Je ne suis pas tout le temps d'accord avec ce qu'il dit. Je le trouve dur, mais Marc La Tortue n'a pas eu une vie douce, alors ce qu'il dit a du poids. Je suis content d'avoir un ami capable de dire des choses si opposées à ce que je crois être juste. Ensuite à moi de me débrouiller.

jeudi 10 mars 2011

la transformation des soirées en poèmes

Il y a des soirées qui sont des poèmes. Pas directement, non, c'est juste qu'on les transforme en poème parce que sinon c'est triste et cafardeux, alors la transformation leur fait du bien, ça leur donne des couleurs et une épaisseur chaleureuse. C'est la solution des amicaux habitants des maisons obscures (ahmo), transformer ce morceau de pain qui est notre unique repas en poème, transformer la tristesse en sonnet, et ce coeur qui saigne en haïku. Mais la transformation ça va bien, un temps, on ne peut pas être un magicien tout le temps, parce qu'on risque d'être kidnappé par le royaume des ténèbres, il faut être prudent avec la magie, alors il y a la joie, la simple joie d'être en vie, et d'être entouré par d'autres êtres maladroits et faillibles comme nous. La joie c'est le corps, et la fin des petites certitudes encombrantes, c'est à dire un animisme : nous sommes dans la vie davantage que nous sommes en vie.

finalement par un texto il annula et il resta à sa table de travail à écouter la même chanson pendant des heures, et c'était pas mal

Le bureau est la chose solide, tout tourne, on ne sait rien à part ce qu'on sait du bois, alors les tempêtes je les attends. Ce soir, la nuit est froide comme l'océan et n'entend rien au printemps, je ne vois rien à travers la fenêtre, c'est une obscurité poisseuse. Je sais quand je sortirai pour rejoindre mon chez-moi qu'il y aura un affrontement.
C'est la semaine des décisions. J'ai dit à des potes que je ne participerai plus à leurs dîners. Parce que je ne me sentais pas à ma place. Parce que je ne les aime pas tous autant. Parce que l'un d'entre eux est un ami de longue date, et les autres je ne les connais pas bien. Et en groupe je ne suis pas à l'aise. Les conversations de salon m'ennuient. Je suis un mauvais élève. L'un d'eux m'a dit qu'il était triste. Alors je suis triste aussi. Mais c'est comme ça. Vivre c'est aussi prendre des décisions et être honnête, ne pas se retrouver dans des situations qui ne nous ressemblent pas. Je prends des décisions en ce moment, je fais des choix, et ça me fait du bien, pas forcément là, c'est même dur, mais plus tard. Je veux que les choses soient claires et belles, et pour ça il faut être intraitable, parfois.
On voudrait être juste, tout le temps, et parfois cela ne suffit pas, d'être juste, d'être là et bien, il y a des gens que la certitude de notre présence ne suffit pas à protéger, et nos mots, et nos bras ne sont pas les médicaments que l'on croyait. Alors pourquoi ai-je été un enfant responsable toute ma vie, sans écarts, sans folie autre que dans mon crâne. Je rêve d'un sauvetage intégral, d'un paradis doux, de la fin de la douleur. Il faut quelque chose qui guérit, soigne et apaise. Parce que sinon tout ça est trop injuste.
Une amie m'a appelé, elle est internée dans une clinique psy depuis cinq semaine. Elle m'a parlé, elle a dit qu'elle aimait, que j'étais l'homme de sa vie, et je n'ai pu que répondre la vérité : j'aime quelqu'un d'autre. Alors elle a pleuré, elle dit non ce n'est pas juste, et alors que sa vie n'avait pas de sens, et qu'elle allait se tuer. Elle pleurait, et moi j'étais là avec ce stupide téléphone et mes propres larmes, et je la rassurais, mais ça ne marchait pas très bien. Il faut être optimiste, car il n'y a que ça. Quand je la verrai (quand les visites seront autorisées), je la ferai rire et je lui dirai qu'elle va vivre, que les choses s'arrangent, qu'elle est forte. Il faut avoir confiance en ceux qui ne vont pas bien. Faire ce pari. Leur faire ce don. Ne pas les infantiliser. C'est la seule solution.
Ce soir je me demande : quels monstres sommes-nous pour avoir échappé à la maladie mentale ? Pour avoir survécu si longtemps ?

dimanche 6 mars 2011

romantisme et tir au fusil (les docteurs n'existent pas)

Je discutais avec Erin, je lui disais que les manques que j'avais en moi me donnaient l'énergie pour écrire, que j'écrivais pour les combler (ok c'est un speech un peu cliché, mais j'étais fatigué). Et je me demandais si un jour j'allais parfaitement bien, est-ce que je pourrais encore écrire. Erin m'a dit, et son sourire n'a jamais été aussi beau : "Ne t'inquiète pas, je ferai en sorte que tu n'ailles jamais tout à fait bien".
Dans la vie je ne vois que des pièges, des failles qui peuvent se transformer en crevasses, des catastrophes en embuscades, des liens fragiles, des tremblements de terre sentimentaux. Une terre meuble et un ciel défait. Erin a en elle quelque chose qui me fait croire, pour la première fois peut-être, que tout n'est pas si noir et voué au délabrement.
On n'a pas besoin d'aller mal pour créer. Mais on créé parce qu'on a une certaine sensibilité qui nous rend plus poreux, plus susceptible d'être blessés, notre corps hyperesthésique tremble des échos du monde. On a besoin d'aller bien pour créer, pour porter tout ça, il faut une joie infinie en soi, une capacité à ne pas croire à la fatalité, une foi en nos enthousiasmes. Le malheur n'aide pas la création, mais l'entrave. Les difficultés sont là, données, par notre simple existence, elles sont communes à tous, les manques, les douleurs. Ce qui nous différencie, c'est ce que nous en faisons, comment nous y réagissons. Alors oui il y a des manques, mais je n'en ai pas besoin, je ne vais pas m'en débarrasser car ils nous sont consubstantiels, c'est là, juste là, nous sommes malades, plus ou moins, les docteurs n'existent pas. Ce dont j'ai besoin c'est de mon fight spirit, de ma capacité à me saisir de ce qui arrive, et à être enthousiaste. Il y a une idéalisation de la souffrance chez les artistes qui est le signe d'une paresse, et d'une agressivité mauvaise, c'est un prétexte qui cache des motivations de rapport de force et de pouvoir, c'est une manière de porter des coups. Je crois à la douceur, au relâchement des corps statufiés, à la légèreté.
Avec Erin nous sommes allés tirer avec une vieille carabine Holland & Holland dans un petit parc. C'était très romantique.

éloge de la légèreté

Je suis trop fatigué pour écrire un éloge de la légèreté, des petits mots, des fous rires, des bêtises que l'on se raconte, des jolies et bizarres choses qu'on imagine. Mais le coeur y est. Soyons légers. Certaines choses sont graves, c'est vrai, mais c'est déjà les entamer, les vriller, commencer à les détruire que d'en rire, de ne pas les prendre trop au sérieux. :-)

cunilingus chapitre 4

Immense fatigue, pas tant physique que psychologique. A quoi bon tout ça ? Des messages inquiétants me viennent d'amis un peu partout. C'est soi s'enflammer soit construire des barricades, mais ne pas continuer à supporter ça. Quel est le problème de notre espèce ? Cette incapacité à l'harmonie. Alors il faut trouver des compagnons, de vie, de lutte, des êtres sur qui compter, et ils sont peu dans la masse indifférente des mous au cœur dur. Il y a de belles choses, de belles personnes. Je veux des mains qui en tiennent d'autres et qui toujours seront là, je veux des serments et des ballades sous la lune, je veux une foi, une route, des principes, la fin des petites arrangements avec soi-même, des négociations intimes. Je veux de vieux fusils planqués dans des caves et des réserves de bouffe dans des placards, je veux des passages secrets et des sourires qui résistent à tout. Je suis encore loin de tout ça, c'est une éthique à construire, pas à pas, pour un jour se dire qu'enfin on est un homme, qu'on tient debout, qu'on est ce qu'on a choisi d'être, sans concessions, et voir l'enfant en soi rire doucement, se moquer de nous, et dire que cet homme que nous avons trouvé, c'est l'enfant que nous étions.
Malgré tout, malgré cette sale période, la joie est toujours là, qui succède à des larmes, qui parfois les accompagne.
Allez bonne nuit, les amis. Erin est rentrée.

samedi 26 février 2011

la solitude athlétique

J'ai des brouillons devant les yeux. C'est un fouillis incroyable, de notes, d'idées, de traits et de flèches qui les relient, de phrases pas terminées. Je suis un peu découragé. Mais j'ai avancé.
J'ai passé la soirée d'hier, seul, et c'était agréable. Mais en même temps il y avait ce grand silence, et ce creux, comme un ventre vide, et ça m'a déstabilisé un peu, pendant un moment. C'est passé finalement et la soirée a été douce. Je me demande pourquoi la solitude est compliquée, pourquoi on met du temps à la dompter. Sans doute parce qu'alors on se retrouve avec soi-même, et avec les questions qu'être soi posent, les angoisses, les manques, notre inachèvement, et tout ça dépend de nous, on ne le couvre plus sous des bruits de conversation ou sous le baume des soirées entre amis. Quand il y a du bruit et des gens on peut s'oublier, moins exister, et c'est un soulagement de moins exister. Ce n'est pas simple la solitude, mais ça s'apprend, ou plutôt on s'apprivoise, ça restera toujours sauvage, mais c'est chouette quand on découvre les richesses qu'elle permet, les apprentissages, l'indépendance. Être seul c'est un truc athlétique, difficile, physique, le corps le ressent, on souffre, mais c'est bon signe, ça veut dire qu'il y a des choses à creuser, à trouver. Alors on peut se mettre à créer, et donc à se créer soi-même.
Je suis fatigué parfois, extrêmement fatigué, et ce n'est pas une fatigue qui pourra être réparée par le sommeil. C'est une vie dure, pour beaucoup de gens.
Tout à l'heure je suis sorti pour que le mouvement déplace les idées en moi et débloque des situations. Cela marche assez bien. On écrit avec son corps. Moment de découragement, rien ne me paraît bien dans ce que j'écris, ce n'est pas une plainte mais une constatation. Cette pensée disparaîtra sans doute, mais pour l'instant je suis là avec mon air dubitatif devant mes feuilles griffonnées. Je crois qu'on écrit aussi parce qu'on a des manques, parce qu'on se sent innachevé, incomplet et pour le dire : pas terrible, raté, et donc on essaye d'arranger les choses, de s'inventer de nouveaux membres, d'autre organes, pour se faire plus beau, plus désirable. Il y a quelque chose d'enfantin dans la création, nous quémandons de l'attention, de l'amour, grâce à des tours, parce qu'on sait bien qu'on n'est pas aimable sinon. Il y a quelque chose de triste à l'origine de la création. Ensuite cela devient joie, alors tant mieux. Tout n'est pas perdu.
Dehors il commençait à faire doux, et j'ai pensé que j'aurais bien aimé fumer une cigarette. Je ne fume plus, alors bon je ne vais pas recommencer. Mais c'était un de ces moments, un de ces samedis de la fin de l'hiver alors que le soleil s'apprête à se coucher, qui me font me sentir mélancolique, où le passé arrive comme un parfum, par vagues invisibles qui s'engouffrent dans mes narines. Mes yeux fixent un point, loin, très loin, rien en particulier, un vague horizon, en attente du surgissement de quelque chose de beau, pour s'échapper, dissiper la mélancolie. Un oiseau, une canne, s'est posée près de moi, le sourire est venu de là, de cet animal, étrange quand on y pense. Je suis rentré, et je me suis dis que j'étais aussi un animal étrange et que c'était déjà pas mal. Mon envie de cigarette est partie.

le hasard c'est le papillon rare que l'artiste chasse

Parfois je peux donner l'impression que je maîtrise les choses, mais la vérité c'est que, la plupart du temps, je suis perdu. J'ai des idées, des intuitions, mais bordel qu'est-ce que je suis censé en faire ? Pourquoi tout ne se met pas en ordre magiquement comme dans Fantasia ?
Alors il faut descendre dans la mine, avec sa pioche et sa lampe, et travailler.
La vérité c'est qu'une œuvre est une affaire de chance, et de coïncidences que l'on aura réussi à saisir. La hasard c'est le papillon rare que l'artiste chasse. Nous remuons ciel et terre, les grands arbres et les buissons, et les rivières, pour faire s'envoler ce papillon. Cette chasse créé rapidement du bazar, alors on le range, on tente de lui donner une forme, enjolivée de nos papillons pépites. On maîtrise les choses à certains moments. Mais ça s'échappe l'instant d'après. C'est un état de tension, où l'on contrôle, puis on l'on ne contrôle plus. Il faut contrôler et aussi s'abandonner, comme en état d'hypnose, être excessivement conscient et laisser dériver notre esprit. Créer c'est vivre la contradiction et c'est remuant. Mais ça fait la beauté de la chose.

brûler de la poussière

Il ne fait pas chaud. Il reste peu de bois, et je n'ai pas le courage de sortir en couper. Alors je jette dans la cheminée ce qui me tombe sous la main. Cartons d'emballage (les encres et produits chimiques ajoutent du vert aux flammes), vieilles factures de téléphone (on est censé les garder dix ans, mais who cares ?), feuilles mortes et moutons de poussière, brouillons, pain rassis, manuels d'utilisation et modes d'emploi, annuaire téléphonique.
Je ne sais pas pourquoi j'écris. Ou plutôt j'ai trop de réponses. J'écris pour rendre justice. J'écris pour réparer, pour panser, pour guérir. J'écris pour m'appartenir, pour dessiner une vie qui me ressemble, et des pensées qui seront miennes. J'écris pour parler aux autres, inventer un chemin où nous pourrons nous rencontrer. J'écris pour le plaisir de faire concurrence à la réalité, pour récupérer le monde et lui donner une autre direction. J'écris pour que l'on m'aime aussi. Et impressionner ceux que j'aime, celle que j'aime. J'écris pour dédramatiser mes blessures, pour transformer le malheur en joie, et la mort en vie, par résilience, esprit de contradiction, par révolte. J'écris parce que cela m'amuse. J'écris pour découvrir des choses que j'ignore et qui pourtant sont en moi, pour être le premier spectateur, lecteur, d'histoires nouvelles, d'idées qui fleurissent, et pour en prendre soin. J'écris pour ne pas sombrer, pour résister à la chute. J'écris pour donner du plaisir. J'écris pour ajouter des choses à la réalité, pour donner naissance et participer de ma modeste manière à l'embellissement du monde. J'écris pour envoyer des cartes postales, ce que sont les livres, à ceux qui voudront bien être mes correspondants. J'écris pour remplacer du rien par quelque chose. Comme un tour de magie. Abracadabra.
Mon premier roman sera publié dans un an, et j'ai hâte. Hâte de l'avoir en main. De le donner, de l'offrir. De m'en débarrasser aussi pour en commencer un autre.
Je suis allé marcher ce matin, il était six heures, et il n'y avait personne. Je remercie le matin de permettre la solitude et les petites foulées dans la rosée et les restes de brumes. Le jour se lève de plus en plus tôt, bonjour les oiseaux et les arbres, profitez bien de cette nouvelle année.

vendredi 25 février 2011

porter des sacs de rats morts

Heureusement je n'habite plus Paris. J'ai congédié cette ville il y a des années. Je lui ai dit va-t-en. Quand j'y passe un moment (quelques jours chaque mois), logé dans l'arrière-boutique d'un ami dératiseur dans le 12° arrondissement, je suis éprouvé, puis contaminé, par la dureté de cette ville, le cynisme de ses habitants, leur capacité à blesser sous couvert d'humour, l'absence de politesse, d'élégance d'âme. Je deviens un peu comme ça. Malgré moi. Pour me défendre, par réaction, pour être dans le ton, parce que j'ai peur, c'est la jungle ici. Des pensées mauvaises viennent, et parfois je veux me venger. Erin me fait remarquer que je change alors, et je me sens honteux, blessé, d'avoir abandonné ma douceur, une douceur qui ne m'a pas été donné mais que j'ai apprise, que j'ai apprivoisé. Que j'ai défendu quand tout nous pousse à nous en débarrasser (et Erin dit : c'est ça le vrai courage : ne pas devenir agressif et aigri, ne pas devenir cynique, mais sourire, ne pas se laisser entamer, rester doux et solide. Elle a raison, elle m'impressionne cette fille, elle est juste, je change à son contact et je n'ai jamais aimé avant elle, jamais autant, si profondément - et sa passion pour les couteaux et les armes à feu ne m'inquiète plus). Une ville c'est un poison. Un poison qui est aussi un médicament par moment. Mais Paris n'a pas de posologie raisonnable : la plus petite dose est une trop forte dose. Cela nous rend fort, conquérant, mais pour quoi faire ? pour construire quoi ? Nous nous perdons. Je ne veux plus étouffer la douceur, la tendresse. C'est là qu'est la vraie force, dans la timidité de nos manières, et l'inflexibilité de nos coeurs. Il n'y a pas pire sentiment que celui de se trahir soi-même ; de renoncer à ce en quoi l'on croit, et surtout ce en quoi l'on croit de soi. J'ai eu le sentiment dernièrement de me trahir ainsi, de trahir l'enfant que j'étais. C'est terrible. Je me reprends, je me relève, après les coups que je me suis donné. Nous sommes un adversaire à notre mesure.
Ce matin j'ai aidé cet ami qui m'héberge, à porter des sacs entiers de cadavres de rats, suite à la dernière campagne de dératisation dans un immeuble du 1er arrondissement. Je n'ai rien contre les rats. Je n'étais pas très à l'aise en tout cas, avec ces sacs de vingt kilos sur l'épaule. Odeur atroce, et horreur de cette tuerie, nécessaire paraît-il. J'ai beaucoup pensé. A la mort, à la vie que nous inventons, à nos maladresses, et à cette constatation : j'ai des limites, certaines intangibles, mais je suis toujours en formation. Ce n'est pas une si mauvaise nouvelle que ça. Même si ça remue. La vie est un drôle de truc.
Erin n'est pas là, elle est partie chez ses parents qui tiennent une distillerie de schnaps (et un stand de tir dans les herbes hautes de la montagne). Erin n'est pas là, mais même absente elle est là, d'une autre manière. Elle me manque, et c'est tant mieux, l'absence n'est pas le vide, on fait des réserves, on vit, l'absence construit de belles retrouvailles.

jeudi 24 février 2011

il s'agit maintenant de me sauver

La ligne de départ s'élargie sous mes pas, je veux dire bientôt elle sera aussi large que la piste elle-même et je serai arrivé sans être jamais parti. Ce serait dommage. Déjà 15h et je tourne en rond, j'ai décortiqué mon déjeuner, analysant chaque ingrédients, le regardant, parlant avec lui, j'ai répondu trop en détails à des emails, j'écris ce post. Se mettre au travail c'est se laisser tomber, s'abandonner à la chute. Je suis assis sur le rebord, le vide sous mes pieds, le vent qui souffle, je ne vois pas le fond du précipice, mon ventre me fait mal.
Je respire profondément et, en poussant légèrement sur mes bras, je me fais basculer dans le vide. Mes yeux se plissent, des larmes commencent à se former, mes cheveux sont couchés par la force du vent, l'air est frais sur mon visage. J'entrouvre légèrement la bouche, comme un baiser doux et timide, l'air glisse sur ma langue. J'écarte les bras pour ralentir la chute et parce qu'il me semble que c'est plus beau ainsi. Le sol est encore trop loin pour que je le vois. Il me reste peu de temps, mais parfois peu de temps c'est une éternité. Le temps de la chute, avant de m'écraser sur le sol, il faudra que je m'invente un parachute. J'ai sauté dans le vide, en toute conscience, il s'agit maintenant de me sauver. Il n'y a pas plus belle promesse. Rien de plus excitant.

le matin sort de sa coquille, et il a un bec d'aigle

Courte nuit. Dessin hier soir. C'est une manière de faire vivre une marionnette, un double de soi, qui jeté sur le papier s'anime, et n'hésite pas à se moquer de moi. Ce personnage créé à partir de l'idée que j'ai de moi est bien plus raisonnable que moi, plus tranquille. Il est détendu, en dépit de ses traits maladroits. Je lui fais dire ce que je sais être juste mais qui a du mal à se greffer à moi.
Dessins donc, jusqu'à tard. Il y a un plaisir aux heures tardives, à l'acharnement sur une feuille blanche. On repousse la nuit, le sommeil est chassé comme un moustique, on l'entend bourdonner, mais on le chasse de la main. C'était une belle soirée, un beau début de nuit. Je n'avais plus de draps, mais peu importait, j'avais présent en moi, coulant dans mes veines, une sorte de lumière, de chaleur, propre à ces moments de contrôle dans la création. Quelques heures plus tard, c'est l'homme qui doit faire des travaux chez moi qui m'a réveillé. Je ne suis pas reposé, je me sens ivre de fatigue, mais c'est agréable, mon esprit fera fonctionner mon corps aujourd'hui, il le poussera, le tirera, lui donnera l'énergie qui lui manque. C'est un belle journée qui s'annonce.

mercredi 23 février 2011

il ne nous arrivera jamais rien de grave

Il ne nous arrivera jamais rien de grave tant que nous écouterons une chanson de Tom Waits, et c'est sûr tant que nous lirons la poésie d'Emily Dickinson, il ne nous arrivera jamais rien de grave tant que aurons L'idiot de Dostoïevski et tous les albums des Clash à nos côtés, nous se serons jamais seuls tant que nous nous souviendrons d'Antonin Artaud, nous ne serons jamais malheureux tant que nous aurons Peanuts, Calvin & Hobbes et Mafalda sur notre table de nuit, nous ne serons plus jamais tristes tant que nous croirons aux aurores qui fleurissent sous un sourire, une page, une note, une image, une main dans la notre.

mardi 22 février 2011

laissez les enfants pleurer en paix

J'étais au restaurant, au Texas Chainsaw Massacre, divin restaurant de viandes de la rue de Belleville (il y a des photos des vaches et des cochons tués affichés au mur, on vous donne même le nom de l'animal que vous êtes en train de manger -le mien c'était un boeuf de l'Aubrac du doux nom de Amadeus), et un enfant s'est mis à pleurer. Le resto était plein à craquer, j'avais une table pour moi tout seul et j'engloutissais la fameuse côté de boeuf de 1200 gr simplement relevée de sel de Guérande. C'était toute une famille, en sortie, pour fêter un truc, juste la joie d'être ensemble, la fin d'une grippe, une promotion de la mère, un truc dans le genre. Ils étaient mignons dans le genre moches, je veux dire, ils ressemblaient à une famille de publicité, avec la personnalité qui va avec, un peu lisse, qui parle de trucs qui n'ont aucun intérêt, mais sympas, pitoyables dans la moyenne haute, mais pas dérangeants. Des citoyens quoi, assez branchés, jeunes, mais pas non plus drag queens, de gauche certainement, mais pas au point que cela les fâche avec qui que ce soit. Bon, ok, je ne les aimais pas trop, mais contrairement à Amadeus ils ont le droit de vivre. Donc ce gosse pleure, des larmes et des cris de gosse (pour une connerie, parce qu'il n'a pas eu assez de frites dans son biberon j'imagine), comme un moteur d'Harley Davidson qui aurait avalé un raton-laveur. L'horreur. Mais ce connard de père sa réaction a été vraiment naze. Il a vu que les gens autour fronçaient les sourcils, ça les dérangeait. Et lui ça le dérangeait de les déranger. Le connard. Je pense qu'il trouvait que ce n'était pas convenable. Que ce n'était pas poli. Et donc il l'a soulevé ce gosse, son gosse, et l'a enmené se calmer dehors. Putain ça m'a énervé. Le gosse aurait fini par sécher ses larmes. Il n'avait pas besoin d'être exilé parce qu'un truc lui faisait de la peine. Ce n'est pas grave un gosse qui pleure, ça fait du bruit, ok, mais c'est la vie, c'est comme ça, si vous ne voulez pas d'enfants qui pleurent allez vivre dans une maison de retraite bandes d'idiots. Apprenez que c'est beau ces cris. Oui beau. C'est un être qui exprime quelque chose. C'est important et magique. Alors ok il se débrouille mal. Mais il a le droit, il fait comme il peut, il va apprendre. La plupart des gens polluent davantage l'atmosphère d'un lieu public par leur humour de merde et leurs conversations débiles. Laissez les enfants pleurer là où ils sont, consolez-les, faites leur une grimace. Il n'y a pas de crime qui a été commis, pas de faute, ce gamin se débrouillait avec ses moyens. Je te souviens, petit. Quand tu es rentré je t'ai tiré la langue et tu as éclaté de rire, et ça a sauvé ma journée.
Et bordel de merde. Je crois que ces gamins qui pleurent nous donnent une leçon. Trop souvent on sort parce qu'on a envie de chialer, trop souvent on se cache, trop souvent on ravale notre douleur parce que ce n'est pas correct de l'exprimer, parce que ça dérange, parce que ça fait de nous des gens pas cools, pas à l'aise, ridicules, faibles. Ce monde où l'on ne peut montrer nos faiblesses sans être regardé comme un vaincu me rend malade. Il faut toujours se battre, ne jamais dire que ça saigne, avoir cet esprit de compétition atroce qui nous pollue l'esprit.
Ce gamin a raison, et nous avons à apprendre de lui. Comme de tous les enfants. Alors ok nous éduquons les enfants, nous leur donnons un cadre et des limites, et c'est important. Mais il faut qu'il y ai réciprocité. Nous apprenons d'eux, et c'est la seule raison qui nous rendra bons pédagogues.

jeudi 17 février 2011

il est temps de dormir

Il est temps de dormir. Mon lit s'ouvre sur un monde effrayant ; je me couche sans trop penser, car j'affronte chaque nuit, les rêves y sont agités et étranges. Je lis un peu, je me distrais pour ne pas penser aux aventures que je vais vivre et qui ne seront pas facile. Et bizarrement même si je fais des cauchemars, le matin je me trouve reposé et heureux. Comme si ces cauchemars avaient permis d'exprimer des peurs réprimées, comme si je m'en étais débarrassé. Parfois je voudrais m'envoyer des messages dans mon sommeil, et me dire de tenir bon, que ce n'est pas vrai, que je vais m'en sortir. Mais je crois que mon moi quand je dors fais la même chose : il me chuchotte des mots rassurants. Nous sommes toujours plus forts que ce que nous croyons, nous les fragiles créatures fantasques.

quitter nos sépultures

Dîner avec des camarades ce soir, dans un restaurant japonais où tout était écrit en idéogrammes, même les prix. J'ai aimé cette radicalité (d'autant que l'addition n'a pas été salée, donc respect). J'y étais en tant que spectateur, je n'arrive pas à jouer le jeu des rencontres en groupe (nous étions cinq), à parler de sujets d'actualités, à enjoliver des banalités et à réciter des choses lues ou entendues ailleurs. Il faut jouer un rôle, il n'y a pas de place au silence, aux bizarreries, aux hésitations. L'intérêt d'un repas comme ça, c'est quand il se termine, que nous nous saluons. Dans ces mains que l'on sert, ces joues que l'on embrasse, dans ces yeux, il y a plus de choses que dans tous les mots du repas. Surtout je suis reparti avec un ami, celui qui m'était le plus proche dans ce restaurant.
Cet ami me disait qu'il se posait des questions sur son couple, il aurait envie de plus, de différent, il était avec cette femme depuis longtemps. J'imagine que c'est inévitable ce genre de pensées. Il m'a écouté parlé de la femme que j'aime, et je l'ai vu hoché la tête, comme si je lui racontais un truc qu'il avait sur le bout de langue et qu'il n'arrivait plus à retrouver. Il m'a dit qu'il avait oublié, mais qu'enfin, maintenant, il se souvenait, la chance d'aimer et d'être aimé. Le quotidien, les problèmes idiots que l'on s'invente avec nos névroses, tout ça peut nous faire oublier ce fait magique : on est amoureux. La comparaison est peut-être légère, mais c'est la même constatation que je fais souvent, quand après mille repas, je prends le temps, je goûte, et je me rappelle à quel point il est merveilleux de manger, combien un simple morceau de pain est une architecture se saveurs, une oeuvre d'art. Pour l'amour, et le reste, c'est comme tirer quelque chose de rare et de précieux qui s'enfonce en nous, comme si nous le mangions, mais aussi que nous l'enterrions. Toute notre vie il faudra déblayer, se battre contre ce fossoyeur que la société a inscrit en nous, tirer du puit, du gouffre, sauver, ranimer, prendre soin de ce qui nous est cher, et qui a tendance à s'effacer sous des ténèbres finalement factices. Nous enterrons les choses qui nous tiennent à coeur, les êtres rares et précieux que nous aimons, et sans doute nous nous enterrons nous-mêmes. Il faudra, souvent, se donner la joie de quitter nos sépultures, et faire revenir à la vie nos sentiments, notre capacité à aimer cette personne que l'on a choisi, et goûter le plaisir d'être en vie, de respirer, et de l'embrasser.

mercredi 16 février 2011

je crois aux miracles

Je crois aux miracles façonnés par les hommes et les femmes dans la chaleur de leur coeur. Ils sont vifs et argentés, indestructibles et lâchés sur le monde comme un hameçon planté dans la bouche d'un saumon

mal au dos mais c'est comme ça

J'ai mal au dos mais c'est comme ça. J'ai des amis qui vont mal, et bon dieu j'aimerais leur donner de mon énergie. La vie ne nous fait aucun cadeau. Quand tout va bien, il faut s'attendre à recevoir des coups. C'est comme ça. Alors soyons heureux d'être en vie, et d'être aimé, et d'aimer. C'est le plus important.
Je déteste dans le métro ceux qui font comme s'ils ne voyaient pas cette femme avec une poussette devant les marches, alors que l'escalator est en panne. Et qui ne l'aident pas à porter ce bébé effrayé par la ville et le bruit, mais protégé par les couvertures. Je veux de la douceur et de l'entre-aide.
Il faut prendre soin des enfants, pour eux, et aussi pour nous : car ces enfants que nous aidons, que nous élevons c'est aussi nous-mêmes nous apportant avec retard la douceur qui nous a manqué.

nous sommes le terrain de nos combats

J'ai beaucoup de travail, et je n'écris pas assez. Les idées sont comme coincées, prises dans un embouteillages dans mon esprit, incapable de sortir et de rejoindre l'écran de mon ordinateur. Il y a une terreur à créer, pas parce que cela est impossible mais parce que cela est possible. Dans la création, il y a un dérangement, une profanation du réel et de sa matière, et donc de nous-même, et cela explique la violence qui y est associée. J'ai envie d'un cocon aujourd'hui car l'angoisse me blesse, l'air, la ville, le présent, le futur. J'ai besoin d'un cocon, et créer est un cocon en danger, aux prises avec une araignée qu'il faut combattre. Je sais néanmoins qu'après quelques minutes je vais être bien dans l'écriture, je vivrais cet état d'hypnose d'abandon et de liberté insensée. Patience, tiens bon, bats-toi. Nous sommes le terrain de nos combats.

jeudi 10 février 2011

la meilleure cocaïne

La meilleure cocaïne est la cocaïne de l'amour. L'autre c'est pour les débiles sans coeur. Si vous voulez savoir ce que j'en pense, je crois que l'amour c'est la plus belle chose au monde, ça donne des ailes, et tout est magique alors, ça vous porte, vous êtes le roi du monde, les oiseaux chantent et le printemps est perpétuel car il est dans ses yeux. Je ne suis pas naïf, mais c'est une chose belle et douce, les pigeons souvent d'ailleurs se transforment en colombes quand vous embrassez celle que vous aimez. Il y a un sourire sur vos lèvres et les gens comprennent que votre vie a changé. Votre coeur est comme un coussin avec des tas de coussins en cachemire à l'intérieur. Rien ne peut vous arriver, car vous êtes protégé par le pouvoir de l'amour. Et l'amour est plus fort que tout. Et tout ce que fait celle que vous aimez est magique et nouveau. C'est comme une poussière de fée qui est sur toutes les choses.

la tranquillité

Je vais vers de plus en plus de tranquillité. C'est être soulagé du monde, et de soi-même. Ne plus être perpétuellement en tension, en réaction. Mais laisser passer, avoir confiance, lâcher prise. Je ne sais pas si c'est le bonheur, mais le bonheur n'est pas possible sans cette tranquillité d'âme qui se glisse dans chaque journée à certains moments, comme un ciel roux.

une journée voilà ce que c'est, c'est un chaton

Une journée c'est un chaton. Et pour moi il n'y a rien de plus mignon au monde qu'un chaton. Je veux dire on devrait faire des voitures en forme de chaton et des trains, et des maisons, et des vêtements, et des grille-pains. Je suis un sentimental, ok, vous avez découvert mon secret, bien joué les gars. Ce que je veux dire quand je dis qu'une journée c'est un chaton, c'est qu'il faut en prendre soin et l'éduquer cette journée. Lui donner des bases, et se laisser surprendre par elle, jouer avec elle, mais lui montrer aussi des limites. Et prendre le temps de la laisser ronronner, s'attendre à quelques coups de griffes pas méchants.

je t'aime toi le café

Je t'aime toi le café, et ton amertume, tu es le signal du travail, la mèche et l'étincelle des journées sibériennes de mon âme, je t'aime, tu es dure et tu ne rigoles pas, tu dis on y va et on s'en fout du reste. Tu prends les choses au sérieux. Pas de temps à perdre, les moustiques de distraction on les écrase ou on les avale comme des cacahouètes. Tu es l'énergie du cosmos qui tombe du ciel comme de minuscules météorites invisibles, et rempli ma tasse, et coule dans ma bouche comme le sang du néant. Je t'aime le café parce que tu es intersidéral, tu viens des confins de l'univers et tu me donnes la rage froide et calculatrice d'écrire des choses qui doivent être dignes et belles. Tu es mon alliée, de tous les combats, tu n'as peur de rien, les flics te font marrer, la torture te chatouille. Tu ne trahis pas, on peut compter sur toi. Et ceux qui te corrompent avec du sucre méritent d'être donner à manger à des alligators.

mon sport préféré

Quand j'étais jeune j'avais deux amis, et on était les plus pauvres, les plus bizarres, les plus geeks de tout le collège. On était moitié punk, moitié geek, moitié romantique. On était les victimes potentielles de la majorité des élèves et des profs. Alors il a fallut à apprendre à ruser, par exemple avec l'humour et la haute voltige machiavélique, mais parfois il faut aussi se battre. Avec mes deux potes, pas vraiment des sportifs, et moi encore malingre, on a inventé le kung fu marathon. C'est comme un marathon, ça dure 42 putains de kilomètres, sauf que tu te contentes pas seulement de courir : tu te bats. Autant dire que ça donne une bonne condition physique. Comme ça tu es doué pour la fuite, et pour filer des high kicks et des pains en te déplaçant.

ce qui empêche et ce qui pas

Ce qui empêche d'écrire : mal de tête, fatigue à cause d'une nuit trop courte.
Ce qui permet d'écrire : mal de tête, angoisse, terreur, flashs luminescents de plaisir cérébral.

J'ai mal à la tête et mes yeux se ferment, je dois tenir le coup, putain tiens le coup mec, ça va passer, ça va aller. Je vais me lever faire quelques pas dans le froid qui n'est plus assez froid bordel alors que j'ai besoin de lui. Me faire un café solide. Mâcher un morceau de carton. Ghostfighter l'image d'un connard que je voudrais exploser mais le vernis de civilisation m'empêche de le faire. Appeler quelqu'un au téléphone et avoir une discussion légère et vive comme le vol d'un colibri. Recharger les batteries. Renaître. Ne pas se laisser faire. Le corps a des réserves.

abattre le premier mur de la journée

Matinée perdue dans des papiers administratifs de merde. Il est 14h et je m'apprête à abattre le premier mur de la journée.

mercredi 9 février 2011

l'invention du chessburger

J'ai faim et je crois qu'il n'y a rien à manger dans la tanière où j'écris. Peut-être un reste de riz dans un tupperware et un yaourt. Ce soir la bouffe je m'en fous. Il fait nuit. Musique. Mon double-cheeseburger c'est mon clavier, et c'est très bien comme ça. A l'époque où j'avais voulu ouvrir un restaurant avec le fric que j'avais réussi à soutirer à ce laboratoire pharmaceutique qui avait essayé de me transformer en cobaye cadavérique, j'avais créé le chessburger. Un cheeseburger, avec des noix de Saint-Jacques, des brocolis, du saumon, de la sauce aux huîtres, et une touche de caviar. Une tuerie. Délicieux de chez délicieux. C'était censé nourrir le cerveau. Et à mon humble avis les enfants : ça marchait.
La faim va passer. Il est hors de question que je lève mon cul de mon siège avant d'avoir terminer ce chapitre.
Je me rends compte que j'ai ouvert ce blog aujourd'hui et que j'ai déjà écrit plusieurs posts. Folie des débuts. Et puis j'avais besoin de pauses. Mon cerveau fumait de trop de concentration et d'idées fulgurantes. Donc ce blog c'est ma récréation paradoxale, un moyen de, temporairement, me soustraire à la douce et exigeante école buissonnière de mon activité littéraire.

le mariage de l'humilité et de l'arrogance

Jean-Pierre Melville disait qu'il n'était pas ambitieux, mais qu'il avait de l'ambition dans ce qu'il faisait. La nuance est importante. Les ambitieux sont à aplatir à coups de batte de base-ball. Mais dès que l'on fait quelque chose, il faut se battre pour ça, pour que cette œuvre soit belle et animée par un souffle qui la portera. Dans un mélange d'extrême humilité et d'arrogance.

il ne faut jamais pardonner

Il ne faut jamais pardonner. Jamais. Je voudrais dire à cette amie : ne le laisse pas devenir ton ami, ce connard qui t'a largué, quand tu seras guérie. Qu'il ne sorte pas le speech "Soyons amis". C'est trop facile. Défends-toi. Sois hargneuse. Élimine cette pourriture avec son sourire gentil de ta vie. Ne gardons jamais près de nous ceux qui ont été indélicats, qui ont profité de nous, qui nous ont menti, qui se sont joués de nous. C'est une question d'estime de soi, et rien n'est plus important que ça. Avec les années j'ai appris à me débarrasser de ces connards et de ces connasses qui abimaient mon âme et s'en sortaient trop bien parce que j'étais un gentil garçon ("Ouais Pit c'est un gentil garçon" disaient les gens), et que je comprenais tout, même quand j'étais blessé. Ne jamais pardonner. Rien. Parce que sinon ça fini par attaquer notre âme et notre cœur. Il faut être impitoyable pour être fort et libre, et mener une vie sans concessions pour réaliser de belles choses et faire des enfants qui seront fiers sans être arrogants. Nous nous construisons. Et pour ça, car nous sommes doux, alors soyons durs pour survivre. C'est nécessaire. Affrontons le froid de la solitude. C'est obligatoire. On en ressort grandi. Ce n'est pas en faisant des concessions, en se satisfaisant d'êtres moyens (oui je pense à toi connard d'arriviste qui a essayé de devenir mon ami parce que j'avais discuté avec Jello Biafra) qui se servent de nous quand ils en ont besoin, avec le sourire, avec leur gentillesse de connards qu'on devient celui qu'on doit être. Seuls comptent ceux qui sont fiables et solides, ceux dont le cœur est fidèle et sans but caché. Reconnais tes vrais amis. Élimine les êtres moyens et futiles de ta vie. C'est la seule méthode pour laisser venir à nous les belles personnes. Et pour soi-même devenir quelqu'un. Je répète : et pour soi-même devenir quelqu'un. A trop se laisser faire, on fini par se perdre. Une vie se construit à coups de hache et à l'aide d'un pinceau en poil de martre. La plus grande violence et une infinie délicatesse. C'est comme ça, baby. Il n'y a pas d'autre chemin.

une amie vient de se faire larguer

Une amie vient de se faire larguer par un connard. Après un mois de relation. Alors qu'elle avait quitté son mec avec qui elle était depuis dix ans pour lui.
Peut-être que ce n'est pas un connard. Peut-être que c'est un garçon sensible et intelligent qui ne sait pas très bien où il en est, qui a voulu essayer de voir si ça marchait avec cette fille sensass. Mais moi c'est exactement ça que j'appelle un connard. On n'essaye pas de voir si ça va marcher avec un mec ou une fille. On n'est pas des vêtements. On ne nous ramène pas en magasin.
Il n'a pas intérêt à croiser ma route sinon je vais le pourrir. Je crois à la vengeance. Je crois en cette déesse de fer et de sang. On va lui faire payer son inconséquence. Tu es responsable mec, et responsable si tu te plantes et que tu aimes toujours ton ex. Il fallait le savoir. Et si tu ne le savais pas, il fallait essayer plus fort espèce d'enfoiré de faux sensible de merde. Tu as profité d'elle. C'est ça ce que tu as fait. Alors ok elle n'a pas été prudente. Peut-être. Elle n'a pas pris le temps d'apprendre à te connaître. Tu avais de beaux yeux, et un sourire à tomber. Mais là je vais lui donner des cours d'auto-défense, et ça va changer tout ça. Heureusement que tu n'es pas restée avec elle, parce que t'es une larve même pour les larves.
Mon amie est désespérée, et tu es coupable. Pas la complexité de la vie et des sentiments. Toi, uniquement toi, sale vermisseau putride. Dans mon tribunal personnel tu es un criminel de la lâcheté et de la légèreté. Tu es une crevure, et ta vie va n'être plus qu'un truc vague et naze sans aucun intérêt. Tu vas vivre sous un ciel qui sentira pour toujours la merde.